Même plainte, même avocat, même faits: les biens mal acquis d'une poignée de présidents africains sont à nouveau l'objet d'une procédure judiciaire devant la justice française. Après l'association Sherpa, l'ONG Transparency International, qui lutte contre la corruption, veut "ouvrir une brèche" , nous dit son président Daniel Lebègue. Objectif: rendre au peuple l'argent public détourné. Nouveau coup d'épée dans l'eau ou véritable espoir?
Les premiers lecteurs de Rue89 se souviennent de la plainte déposée pour "recel de détournement d'argent public" l'été dernier par l'association Sherpa et son très médiatique avocat, William Bourdon
.
L'idée -plutôt bonne- était de pointer les présidents africains ayant accumulé ces quarante dernières années un patrimoine digne des plus riches princes saoudiens. Le tout dans des conditions très opaques. Un rapide tour d'horizon de leurs richesses immobilières permet de se faire une idée de l'ampleur des détournements.(Voir la carte ci-dessous)
Dans un second temps, Sherpa et l'association Survie espéraient pouvoir appliquer à ces cas d'espèces la jurisprudence appliquée aux dealers dans les affaires de trafic de drogue. Qui peut se résumer ainsi: pour éviter les poursuites, prouvez-nous que l'acquisition de ces biens s'est faite grâce à des fonds légalement obtenus... Dans certains cas, l'exercice eut été délicat. Juridiquement, le pari était perdu d'avance, vu la barrière sanitaire érigée ces dernières années autour des chefs d'Etat en exercice.
Résidences de luxe à Paris, villas sur la Côte d'Azur, voitures de luxe
Mais l'excellente enquête menée par l'Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) a suscité un nouvel espoir. En quelques mois, les policiers ont retracé avec une grande précision (et l'aide du fisc) l'état du patrimoine de messieurs Bongo (Gabon, état pétrolier), Sassou N'guesso (Congo, état pétrolier), Compaore (Burkina Faso), Obiang (Guinée équatoriale, pétro-narco-état) et Dos Santos (Angola, La Mecque de l'or noir).
Comme le précise Daniel Lebègue, président de Transparency France, l'enquête a largement démontré la fortune accumulée par le président gabonais Omar Bongo.
Au total: des dizaines de maisons, d'appartements et autres hôtels particuliers. Sur la Côte d'Azur, à la campagne, dans les beaux quartiers parisiens. Mais aussi de menus plaisirs automobiles. Dans la famille Bongo (père, épouse, fils et neveux), les enquêteurs ont recensé plusieurs types de véhicules de grand luxe:
- Une Ferrari 612 pour Albert Bernard Bongo, le président, à 228 600 euros
- Une BMW 535 pour Edith Lucie Bongo née Sassou, la femme du président, montant non indiqué
- Une Ferrari 456 GTA à 75 000 euros, une Mercedes S600 limousine à 158 200 euros, une Porsche 911 Carrera à 81 116 euros pour Ali Bongo Ondimba, fils de... et ministre de la Défense
- Un Mercedes ML 500 A5 pour Jean Ping, l'éternel ministre des Affaires étrangères, à 67 800 euros
Le fils Obiang, Teodoro Nguema, 39 ans, cultive l'élégance italo-germanique en matière de voiture, avec deux modèles exceptionnels:
- Une Bugatti Veyron (la voiture "la plus puissante du monde" nous apprend la notice Wikipedia, construite à 300 exemplaires) à 1 100 000 euros!
- Et pour les courses, une petite Maserati MC 12 à 70 000 euros
Une plainte qui sera classée sans suite, pour "ouvrir la brèche"
Pour autant, l'avenir de cette nouvelle plainte -quasiment identique à la première- est connu: un classement sans suite. Les associations attendent d'ailleurs ce classement pour déposer une troisième plainte, avec constitution de partie civile, qui déclenche automatiquement l'ouverture d'une information judiciaire.
L'objectif de Transparency n'est pas de jeter en prison les présidents africains, mais plutôt "d'ouvrir une brèche", comme le dit Daniel Lebègue:
Des fois qu'un juge soit aussi efficace que les policiers de l'OCRGDF...
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