Si
les "Frères de Lumière" hantent les palais présidentiels du continent,
ils ont davantage perpétué les travers de la Françafrique que diffusé
l'idéal humaniste maçonnique.
La scène a près de huit ans d'âge mais n'a pas
pris une ride. Le 22 octobre 2000, à la nuit tombée, le criminologue
Alain Bauer, alors grand maître du Grand Orient de France (GODF),
reçoit cet appel insolite d'un conseiller élyséen : « Un colonel de la
gendarmerie mobile de Côte d'Ivoire veut vous parler de toute urgence.
» Soit. Bientôt, un dialogue ubuesque s'engage entre le pandore
africain et le dignitaire franc-maçon replet au crâne poli, amateur de
havanes et de mots d'esprit. « J'ai pour instruction de marcher sur le
siège du FPI à la tête d'une colonne blindée, confie le gradé, faisant
ainsi allusion au Front populaire ivoirien de Laurent Gbagbo, vainqueur
annoncé d'un scrutin présidentiel orageux. Or cet ordre est contraire à
mes convictions maçonniques. J'ai besoin de tes conseils. » « Les
valeurs démocratiques valent plus qu'une injonction illégale », tranche
Bauer. « En tant que militaire, je suis soumis au devoir d'obéissance
», riposte le gendarme. « Si tu ne suis pas ta conscience, assène le
grand maître, on te radie de l'obédience. » Le lendemain, l'ex-patron
du GO découvre, en parcourant le quotidien Libération, qu'un convoi
lancé sur le QG abidjanais de Gbagbo a mystérieusement changé de cap. «
Pour une fois, ironise-t-il, j'ai eu l'impression de servir à quelque
chose. Quelle puissance ! »