Sarkozy au Gabon Sarko sur Bongo : "on a toujours besoin d’un plus petit que soi" En exclusivité, la cellule Françafrique vous dévoile pourquoi le président français a tant d’égards pour son homologue gabonais
Le 19 juillet 2007, par Jean Denard,
A priori, on ne comprend pas : Sarkozy promet pendant toute la campagne que la France ne maintiendra de liens qu’avec des "régimes démocratiques". Bockel renchérit le 17 juillet devant le réseau des coopérants : "Là où règne l’arbitraire, là où la démocratie est bafouée, les droits de l’homme violés, les décisions de justice jamais ou rarement appliquées, là où se développe la corruption, la communauté internationale se doit de parler vrai. (…) L’histoire le prouve : les lâchetés d’aujourd’hui peuvent être les conflits de demain".
Les conflits de demain au Gabon ne semblent pas préoccuper outre mesure notre bon président :
à 19h30 le 6 mai, il appelle Omar Bongo, lui annonce la bonne nouvelle et le remercie de ses conseils... Faut dire, depuis le temps qu’il est élu à l’unanimité des suffrages, le Gabonais a pu en prodiguer des conseils ! Bien en a pris à Sarkozy : non content de son élection triomphale, il a appliqué à la lettre le conseil avisé de son mentor : flatter quelques leaders de l’opposition et les retourner...
le 25 mai, Sarko fait son footing. Ca fait pas 10 jours qu’il est entré au Château, il repère les environs. Mais il sent bien que sur ses grandes jambes, Fillon va plus vite. Il se dit alors, dans un sursaut d’orgueil : "je l’aurais à l’endurance". Aussitôt dit, aussitôt fait : il appelle son consultant officiel à l’Elysée, le brave Omar, passé maître es endurance après 40 ans d’exercice à la tête de l’émirat pétrolier du Golfe de Guinée.
En récompense, Bongo obtient du monarque républicain qu’il passe l’éponge sur une petite partie de l’ardoise de son pays à l’égard de la France.
Surtout, le 28 mai, il obtient le droit de voir défiler un par un tous les nouveaux ministres dans l’un de ses luxueux appartements du 16ème... il faut dire, depuis Couve de Murville, il ne manque pas beaucoup de ministres à la collec’ d’othographes du père Omar.
Début juillet, il parachève l’album de signatures en invitant le nouveau venu dans Fillon 2, l’Alsacien Bockel, à co-signer avec Hortefeux le premier accord de codéveloppement, un modèle du genre.
Reste cette petite tension latente entre le jeune loup ardent de l’Elysée et le vieux sage du palais du bord de mer, partenaire privilégié des Hauts-de-Seine (département le plus riche de France, 22eme PIB mondial) : Le 25 mai à l’Elysée, Sarko-le-président-qui-tient-toujours-parole avait annoncé : pour la dette gabonaise, ce sera réglé avant le 14 juillet. On comprend que le pauvre Bongo se soit inquiété : entre temps, Sarko laisse la justice faire son travail (un comble) et l’emmerder pour quelques pieds-à-terre parisiens... Le voilà obligé de réprimer des manifestations anti-françaises à Libreville. Et puis, la fête nationale passe... et cette histoire d’ardoise qui n’avance pas.
Ni une ni deux, voilà Omar à Paris.
Depuis, force est de constater que les choses vont nettement mieux dans le couple franco-gabonais :
le
17 juillet, le porte-parole de l’Elysée David Martinon annonce que
Sarko a finalement choisi, à tout hasard, Libreville en plus de Dakar
pour sa première virée africaine, le 25-26 juillet.
le
19 juillet, le Club de Paris (puisqu’on vous dit que c’est pas le PSG,
mais le groupe des grands créanciers publics) devrait annoncer une
remise de 20% de la dette du Gabon envers la France - une bagatelle de
200 millions d’euros. Faut dire, après les 13,6 milliards abandonnés
via le "paquet fiscal", Sarko n’est plus à ça près !
Reste LA grande question : pourquoi Sarkozy voue-t-il
une affection aussi prononcée pour le doyen des dictateurs africains,
au mépris de toutes ses promesses ?
Ca ne pas être par goût du mensonge : Sarkozy fait ce qu’il dit. C’est même lui qui l’a dit.
Ca
ne peut pas être pour défendre les intérêts de Total au Gabon : il a
dit qu’il en finirait avec les réseaux d’un autre temps. Bolloré,
Bouygues et Lagardère ne sont d’ailleurs pas ses amis. Et, non, non, le
Guillaume qui co-dirige le Medef et qui porte le même nom, ce n’est pas
son frère.
Ce
ne peut pas être un renvoi d’ascenseur pour financement de campagne
présidentielle : Mônsieur Sarkozy est un homme intègre. Et le
financement des partis politiques est encadré trrrès strictement.
N’en pouvant plus, nous avons fini par lui poser la question. En personne. Il nous a avoué, au bord des larmes, qu’il ne trouvait pas sa place parmi les "grands" de ce monde : "voyez, au G8, nous a-t-il confié, j’étais encore plus petit que le Japonais sur la photo. Je me suis torché avec Poutine pour oublier". "Pendant la campagne, au moins, a-t-il ajouté, j’avais Christian Clavier et Mireille Mathieu". "Ca ne pouvait plus durer" a-t-il résumé. C’est au cours d’un brainstorming au sommet que lui est apparue l’idée, comme une évidence : sur la scène internationale, le Gabon serait son salut.
Et le président de conclure :"Omar m’a sauver".
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