La loi n° 3/91 du 26 mars 1991
portant constitution de la République gabonaise a été votée à l'unanimité par les
députés de l'Assemblée nationale. Celle-ci sera révisée en mars 1994 (loi n° 01/94
du 18 mars 1994) pour prévoir un Sénat et en juillet 1995 (loi 18/95 du 29 septembre
1995 adoptée par référendum dans le cadre des accords de Paris) pour réorganiser la
Cour constitutionnelle, réviser le code électoral et instituer une commission
électorale indépendante.
Cette Constitution instaure un régime semi-présidentiel. Le pouvoir exécutif est
bicéphale, mais avec une prépondérance du Président de la République. Celui-ci est
élu au suffrage universel direct pour un mandat de 5 ans renouvelable une fois. Il peut
dissoudre l'Assemblée nationale, mais dans la limite de deux dissolutions au cours
d’un mandat (art 19). En cas de vacance du poste, l’intérim est assuré par le
président de l'Assemblée (art 13). Un poste de vice-président, non prévu par la
Constitution, existe depuis 1998. Il a été confié à Didjob Divungi Di Ndinge, leader
de l’alliance démocratique et républicaine (ADERE), récompensé pour avoir rejoint
le camp présidentiel. Le gouvernement conduit la politique de la nation, sous l'autorité
du Président de la République et en concertation avec lui (art 28). Le Premier ministre
dirige l'action du gouvernement (art 29). Il est responsable devant l'Assemblée
Nationale, mais le Président de la République peut aussi mettre un terme à ses
fonctions de sa propre initiative.
Le pouvoir législatif appartient au Parlement qui comprend deux chambres depuis la
révision constitutionnelle de 1994. L'Assemblée nationale est composée de 120 députés
élus au suffrage universel direct pour un mandat de 5 ans. Le Parlement vote la loi,
consent l'impôt et contrôle l'action du pouvoir exécutif. Il peut renverser le
gouvernement par le vote d’une motion de censure ou en lui refusant sa confiance. Le
Sénat compte 91 membres élus au suffrage indirect pour un mandat de six ans. Les
sénateurs assurent la représentation des collectivités territoriales.
La Cour constitutionnelle est, aux termes de l’article 83, la plus haute juridiction
de l'Etat en matière constitutionnelle. Elle comprend 9 membres nommés pour un mandat de
cinq ans renouvelable une fois. Elle est juge de la constitutionnalité des lois, garante
des libertés publiques et des droits fondamentaux et régulateur du fonctionnement des
institutions. Elle connaît de l’ensemble du contentieux électoral. Elle est saisie
en cas de contestation d'une élection, par tout électeur, tout candidat, tout parti
politique ou le délégué du gouvernement. Sa saisine est aussi ouverte aux citoyens par
la voie de l’exception d’inconstitutionnalité à l’occasion d’un
procès. La Constitution lui attribue aussi expressément le pouvoir d’interpréter
la constitution et ses décisions ne sont susceptibles d’aucun recours. La Cour est
toutefois dans le collimateur de l’opposition qui, déboutée de ses recours,
notamment lors de la dernière élection présidentielle, lui reproche son manque
d’indépendance.
En octobre 2000, les députés de l'Assemblée nationale dominée par le Rassemblement du
peuple gabonais du Président Bongo ont, par 153 voix contre 40 abstentions et un nul,
révisé la constitution. Cette révision porte notamment sur l'article 81 qui accorde une
immunité au Chef de l'Etat après la cessation de ses fonctions.
Le processus de
démocratisation commence véritablement en 1990 au Gabon avec les premières mesures de
libéralisation. Cependant, les premiers signes sont arrivés une année auparavant avec
le retour au pays du Père Paul M’Ba Abessolo en septembre 1989, après 13 ans d'exil
en France. Il a été l'un des membres fondateurs du Mouvement de redressement national
(MORENA) en 1980. Il entame alors dans des négociations avec le président Bongo afin de
libéraliser le régime. Mais l’opposition au président Bongo grandissant, le Père
Abessolo est exclu du MORENA en janvier 1990. Il crée le MORENA des bûcherons qui
deviendra plus tard le Rassemblement national des bûcherons (RNB).
Le début de l’année 1990 est ainsi caractérisé par une multiplication des grèves
dans tous les secteurs pour réclamer une démocratisation du régime. Aux manifestations
estudiantines à l'université Omar Bongo, les forces de police répondent par de
violentes répressions. La contestation grandit et se traduit par des grèves dans les
principales administrations (Compagnie d'eau et d'électricité, hôpitaux, enseignements
primaire et secondaire, université...) et par des actes de vandalisme sur les biens
appartenant au pouvoir. Dès le mois de janvier, le congrès du parti unique, le Parti
démocratique gabonais (PDG) se déclare favorable au pluralisme, mais au sein du parti.
Une commission spéciale pour le pluralisme est créée par le comité central du parti.
Elle remet le 22 février, un rapport qui va dans le sens de l’ouverture. Au début
du mois de mars, le président Bongo annonce la transformation du PDG en rassemblement
sous le nouveau nom de Parti social-démocrate gabonais dans le cadre duquel devaient
s'exprimer toutes les revendications pendant une période de transition fixée à 5 ans.
Devant la pression que représentent les mouvements sociaux, le président Bongo accepte
aussi la tenue d’une conférence nationale. Celle-ci se tient du 23 mars au 19 avril
1990. Bien que la conférence ne soit pas souveraine, les 2000 délégués représentant
des " associations politiques " et de la société civile refusent
d’entériner l’agenda de transition proposé par le président Bongo et se
prononcent en faveur d’une instauration immédiate du multipartisme. Les actes de la
Conférence nationale sont acceptés par le pouvoir. Ils prévoient la formation d'un
gouvernement de transition, la mise en place d'élections législatives, la
restructuration de certains organes de l'Etat, le réarrangement de certaines hautes
fonctions, des mesures diverses (dont publicité du patrimoine des personnes nommées à
des hautes fonctions de l’Etat).
Le 27 avril 1990, un gouvernement de transition est formé. Casimir Oye M'ba, ancien
gouverneur de la Banque des Etats de l'Afrique centrale, est nommé Premier ministre.
Certains des partis d'opposition boudent cependant le gouvernement. Le processus
électoral va s’étaler sur plusieurs mois en raison de la mauvaise organisation et
des nombreuses contestations. Il aura fallu que les électeurs aillent cinq fois aux urnes
pour que l’Assemblée soit pourvue de ses 120 membres : premier tour le 16 septembre,
deuxième tour et/ou élections complémentaires les 4 novembre, 21 et 28 octobre et enfin
élections partielles en mars 1991. Au terme de la compétition, le Parti démocratique
gabonais obtient 66 sièges, les "Bûcherons" 17, le Parti gabonais du progrès
19, l'Association pour le socialisme au Gabon 6, Union socialiste gabonaise 4, les autres
siègent allant à de petites formations. L'opposition crie à la fraude mais siège
malgré tout à l'Assemblée nationale et participe même au nouveau gouvernement de C. O.
M’Ba dominé par le PDG.
Ce n’est qu’en mars 1991 que l'Assemblée nationale adopte la charte des partis
politiques ainsi que la constitution du 26 mars 1991.
Les élections présidentielles se déroulent le 5 décembre 1993. Sur 13 candidats, Omar
Bongo est élu dès le premier tour avec 51,18 % des suffrages devant le Père M'Ba
Abessolo, crédité de 26,48% des voix. L'opposition crie au "coup
d’état", le père Abessolo se proclame vainqueur et l’opposition se
regroupe au sein d’un Haut conseil de la résistance (HCR). La contestation est aussi
alimentée par les effets de la dévaluation. Les violences se multiplient, conduisant du
20 décembre 1993 au 13 février 1994 et du 21 février au 15 mars 1994, à
l’instauration d’un "état de mise en garde". Les dispositions
d'urgence concernent la détention sans inculpation ni jugement de toute personne
susceptible de troubler l'ordre public, couvre-feu nocturne, interdiction de toute
manifestation.
A la suite des troubles provoqués par l'élection présidentielle, les différentes
parties se retrouvent pour négocier (5-27 septembre 1994). Elles signent les Accords de
Paris pour débloquer la situation politique et accélérer le processus démocratique.
Les clauses portent sur le processus électoral, le renforcement de l'Etat de droit, la
sécurité, la liberté de la presse, la garantie de l'application des Accords, diverses
autres mesures (dont la révision du Code de la nationalité).
Dans le cadre de l’application de cet accord, le gouvernement Oyé M'Ba démissionne
le l2 octobre 1994. Le 15 octobre, se met en place un "gouvernement pour la
démocratie" qui se veut un gouvernement d'union nationale. Il est dirigé par Paulin
Obame N'Guéma, conseiller spécial du Président de la République. En mars 1996, la
Commission électorale est mise en place. Le mandat des députés est prorogé de six
mois, mais le scrutin n’a pu être organisé, ce qui a privé le pays de Parlement à
partir du mois de mai.
Des élections locales sont organisées finalement en octobre 1996. Elles sont remportées
par le PDG avec 53% des 1817 sièges à pourvoir. Mais le 6 décembre, le père Abessolo
gagne aux élections municipales de Libreville, la capitale, qui échappe ainsi au
contrôle du pouvoir. Cependant, les élections législatives des 15 et 29 décembre 1996
sont remportées par le PDG qui obtient la majorité absolue avec 85 députés sur les 120
que compte l’Assemblée. Le gouvernement est remanié en janvier 1997, mais toujours
sous la direction du Premier ministre Paulin Obame N'Guéma. Les élections sénatoriales
ont également donné une avance au parti au pouvoir qui remporte 51 sièges sur 91.
C’est donc dans une période ascendante que le président Bongo a affronté sept
autres candidats aux élections présidentielles du 6 décembre 1998. Bien que réunie au
sein du Haut conseil de la résistance, l’opposition est allée dispersée aux
élections. Le président Bongo a été déclaré vainqueur dès le premier tour avec
66,88% des suffrages, le deuxième, Pierre Mamboundou n’obtenant que 16,54%. Ce
dernier, mais aussi les principaux autres candidats, ont contesté le scrutin, appelé à
l’organisation de journées villes mortes et déposé des recours en annulation sans
succès auprès de la Cour constitutionnelle. Le président Bongo a nommé son directeur
de campagne, Jean-François Ntoutoumé-Emane au poste de Premier ministre le 23 janvier.
Le climat politique s’est notablement détérioré à la suite de l’élection
présidentielle, la crise politique s’étant conjuguée avec une crise sociale
aiguë. La tension a baissé depuis lors, mais le système reste à stabiliser.
Pour ce qui concerne la société civile, la situation avant 1990 était assez simple :
une société civile réduite à un clergé condescendant, un syndicat unique affilié au
parti unique, une absence d'association et d'ONG. Au total une société civile incapable
de constituer un véritable contre pouvoir.
A partir de 1990, on note certaine effervescence de la société civile. Comme pour les
partis politiques, 1990 marque le retour au pluralisme syndical. De même l'activité
associative est plus importante (plus de 300 associations actuellement recensées) et
indépendantes.
Les difficultés financières de l'Etat dont les ressources ne peuvent plus satisfaire les
besoins essentiels des populations, expliquent sans doute le regain du mouvement
associatif qui s'est imposé progressivement dans le débat national afin de participer au
processus de développement.
On peut donc espérer que la société civile va jouer pleinement son rôle de contre
pouvoir et faire infléchir de temps en temps la politique gouvernementale
S'agissant des Droits de l'Homme,
le Gabon a ratifié la plupart des conventions internationales y relatives. La
Constitution fait explicitement référence à la déclaration universelle de 1948 et la
Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples . Un ministère entier s'occupe des
Droits de l'Homme . Des associations de défense des droits de l'homme existent.
Ainsi, plusieurs organisations œuvrent pour la promotion des droits de l’homme.
Le Gabon compte une Ligue gabonaise des droits de l’homme, une Association nationale
des droits de l’homme et une Association dite Droits de l’homme et des peuples.
Malgré l’existence d’un ministère de la Culture, des Arts et des Droits de
l’homme, de décembre 1993 à février 1994, le pays a connu des violations des
droits de l’homme flagrantes avec expulsion des étrangers. Le régime Gabonais a
toujours été considéré comme modéré du point de vue des droits de l’homme en
comparaison avec la violence d’autres pays. Avec la démocratisation, les prisonniers
d’opinion ont pratiquement disparu.
Mais si l'on peut apprécier l'absence des détenus politiques, le tableau reste plutôt
sombre dans certains cas. Quelques exemples :
- les malades mentaux sont abandonnés, ils ne bénéficient d'aucune sécurité (pas de
soins, ils errent dans les rues avec le risque de se faire écraser et la menace qu'ils
représentent pour les autres citoyens). Dans leur cas, l'Etat a totalement démissionné.
- les sévices dans les brigades de police et de gendarmerie pendant les gardes à vue se
poursuivent, hélas, de plus belle parce qu'elles demeurent la meilleure méthode pour les
policiers et gendarmes d'obtenir des aveux.
- l'abandon des enfants dits de la rue.
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