La capitale du Gabon n'a pas d'histoire.
Elle s'est développée en
effaçant les vestiges de son passé. Cette entreprise est le fait de
certains politiques de chez nous.
L'étranger qui arrive pour la
première fois à Libreville est frappé par son développement
embryonnaire. Mais en la parcourant d'un bout à l'autre, il sera déçu
de constater que le côté culturel et historique de cette ville a été
effacé.
Seuls les monuments du vaillant officier gabonais dans
l'ex-armée coloniale française - le capitane Charles N'tchoréré, mort
pour la France le 7 juin 1940 et de feu le Président Léon Mba sont
visibles du côté de l'immeuble Rénovation et au centre ville, face à
l'hôpital général.
La statue de l'actuel chef de l'Etat qui a failli
être déboulonnée dans les années 90 à un jet de l'entrée de la cité de
la Démocratie se dresse désormais sur l'artère principale de Ngouoni
dans la province du Haut-Ogooué.
A l'immeuble de la SNI, à Likouala, on
trouve une stèle abandonnée. La plupart des contemporains ne savent
même pas ce qu'elle représente. Pourtant, il suffit qu'on y insère une
épitaphe en gros caractères pour rappeler qu'à cet endroit, furent
inhumés, dans une fosse commune, des soldats et civils gabonais ayant
lutté pied à pied avec l'armée française lors du coup d'Etat de février
1964.
Au quartier Louis, sur le front de mer, une représentation
symbolique rappelle la signature du traité entre Bouët Willaumez et le
roi Dowé, dit Louis.
Rappelons que dans les années 50, Libreville avait
un embryon de cases coloniales ainsi que quelques symboles. A titre
d'exemples : le parc du kerellé avec son cimetière au centre ville, le
stade Bonvin baptisé plus tard stade révérend père Lefèvre, l'hôtel
central qui abrite, entre autres, la Direction Générale de Bourses et
Stages, le palais du gouverneur, l'église Saint Pierre,
…De tout cela,
il ne reste plus rien qui puisse rappeler aux touristes et surtout aux
jeunes générations, ce qu'était Libreville, il y a encore trois
décennies. Un ancien Ministre des travaux publics en charge de la
ville, en l'occurrence Monsieur Zacharie MYBOTO eut, il y a quelques
années, l'idée de symboliser le débarquement, sur le comptoir du Gabon,
de 52 esclaves libérés au Fort-d'Aumale, par une place publique avec
monument sur le site occupé par l'ancien hôtel Dowé et le Bureau
Régional des Douanes. Malheureusement cette idée n'eut aucun écho
favorable.
Au total, Libreville est une ville sans mémoire et sans âme.
C'est la raison pour laquelle plusieurs personnalités de passage à
Libreville sont souvent invitées à découvrir l'hôpital Schweitzer de
Lambaréné où tout a été maintenu en l'état, dans la case du Docteur,
grâce à la volonté de ses héritiers. Un effort similaire de la part de
politiques gabonais sur Libreville aurait été salutaire. Ont-ils jamais
su que le développement culturel participe au développement économique
? Pourquoi ont-ils eu cette hantise de vouloir coûte que coûte effacer
les vestiges laissés par les colons et même par feu le Président Léon
Mba ? la restauration de ces vestiges, leur entretien permanent et
l'extension de la ville de Libreville vers les quartiers Awendje, Rio,
PK 12… auraient sûrement permis aux jeunes générations et aux visiteurs
de notre capitale de savoir que celle-ci a une histoire à l'instar, par
exemple, de Dakar où le Président Senghor et ses successeurs ont
compris et intégré le fait culturel et Dieu seul sait ce que le Sénégal
engrange comme devises grâce au tourisme. C'est donc à dessein, et ils
auront ainsi marqué négativement leur temps, que les autorités de notre
pays ont effacé tout ce qui pouvait rappeler le passé de Libreville
. Il
reste à espérer que d'autres fils de ce pays s'emploieront à œuvrer,
comme le cinéaste Imunga Ivanga, pour ce devoir de mémoire. Nous les y
encourageons vivement.
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