Jean-Hilaire Aubame
"condamné à 10 ans de travaux forcés et 10 ans d’interdiction de séjour. Incarcéré, il est battu quasi quotidiennement par ses geôliers."
Décorations, honneurs et distinctions reçus
- Médaillé de la Résistance
- Commandeur de la Légion d'honneur
- Titulaire de l’Etoile équatoriale (Gabon)
- Titulaire de l’Etoile africaine (Libéria)
- Titulaire de l’Ordre libérien de la Rédemption africaine
- Titulaire de l'ordre National du Mérite du Niger
- Titulaire de l'ordre National du Mérite centrafricain
- Titulaire de l'ordre National du Mérite de Côte-d'Ivoire
- Titulaire de l'ordre National du Tchad
- Titulaire de l’Etoile noire du Bénin.
L’ascension politique
Issu de la tribu Essinzick de l’ethnie Fang[2], Jean-Hilaire Aubame perd son père à l’âge de huit ans et sa mère à l’âge de onze [3]. Orphelin, il est recueilli par l’abbé Jean Obame, demi-frère aîné de Léon Mba[3]. Après avoir accompli sa scolarité dans des missions catholiques, il entre dans l'administration des douanes le 24 mars 1931[1]. D’abord nommé à Libreville de 1931 à 1935, il est muté en 1935 à Bangui puis prend de 1936 à 1943, la direction des douanes de Brazzaville[1].
A la suite de l'Appel du 18 juin 1940, il rejoint la France libre et est envoyé en mission au Gabon afin de rallier les populations au général de Gaulle[4]. A Libreville, il rencontre le gouverneur général de l’AEF Félix Eboué[4]23 février 1943 à son administration[1]. Candidat malheureux aux élections pour l'Assemblée nationale Constituante de 1945 puis pour celle de 1946, il est finalement élu le 10 novembre 1946, député du Gabon à l'Assemblée nationale sous l’étiquette de la SFIO[1]. Il est réélu en 1951 et 1956 en tant que candidat indépendant[1]
La course au pouvoir
En 1947, il fonde son propre parti, l’Union démocratique et sociale gabonaise (UDSG)[5]. Assez rapidement, la vie politique du Gabon est menée entre Aubame, soutenu par les Missions et l’administration, et Léon Mba, soutenu par colons[6].
Il est élu en 1952, conseiller à l'Assemblée territoriale[1]. Réélu en mars 1957, l’UDSG arrive premier avec 18 sièges sur 40 devant le Bloc démocratique gabonais (BDG) de Mba qui n’en reçoit que 16[7]. Mais suite à des retournements douteux, le parti de Mba obtient 21 sièges contre 19 pour celui d’Aubame[8]. Faute de majorité absolue, les deux partis sont contraints de présenter le 21 mai 1957, une liste commune pour l’élection du gouvernement qui se fait au détriment d’Aubame[8]. Le même jour, Léon Mba est nommé vice-président du Conseil du gouvernement[8]. Rapidement, des dissensions apparaissent au sein du gouvernement, qui poussent Aubame à faire démissionner ses partisans du gouvernement et à déposer une motion de censure contre le gouvernement[9]. La motion est repoussée par 21 voix contre 19[9]. Face à cette victoire de Mba, de nombreux élus UDSG passent dans la majorité parlementaire, donnant au gouvernement 29 députés sur 40[9].
Bien que n’ayant pas pris part, en tant que député en France, au vote du 1er juin 1958, qui accorde la confiance au général de Gaulle sur son programme et sa politique[1], il appelle à voter « oui » au référendum sur la Communauté franco-africaine du 28 septembre 1958[10].
Le leader de l’opposition
Aux élections législatives du 19 juin 1960, grâce à un découpage des circonscriptions et au nombre de sièges attribués par district, le BDG de Mba s’octroie arbitrairement 244 sièges tandis que l’UDSG n’en remporte que 77[11]. L’indépendance du Gabon est proclamée le 17 août 1960. Dans les mois qui suivent, la majorité gouvernementale est en proie à des dissensions internes dans sa majorité. Mba décide de dissoudre l’Assemblée et se tourne vers l’opposition pour renforcer sa position[12].
Ainsi, pour les élections législatives du 12 février 1961 Aubame forme avec Mba des listes d’union nationale, suffisamment équilibrées pour plaire aux électeurs[13]. Toutefois, celles-ci se font au détriment du leader de l'opposition puisque son parti ne reçoit que 30% des sièges[14]. Aubame renonce également à la présidence du Gabon en faveur de Léon Mba qui est élu en candidat unique[14]. Pour le remercier pour son aide, Aubame est nommé ministre des Affaires étrangères[15]. A la différence de Mba, qui souhaite un régime présidentiel fort, Aubame veut une république parlementaire d’Assemblée[16]. Finalement, le 21 février 1961, Mba l’emporte et fait adopter une nouvelle constitution lui accordant pratiquement tous les pouvoirs[17]. Au fur et à mesure du temps, Mba gouverne de plus en plus en dictateur.
Le 19 février 1963, Mba rompt l’Union nationale avec Aubame[18] ; tous les ministres UDSG sont démis (soit deux ministres), à l’exception de François Meye qui se rallie à Mba[18]. Dans un but tactique, Jean-Hilaire Aubame est nommé le 25 février, président de la Cour suprême[19]. Par la suite, prétextant d’une incompatibilité de fonctions avec celles de parlementaire, Mba réclame sa démission de l’Assemblée[20]. Aubame résout le problème en démissionnant de son poste de président de la Cour suprême, contrariant ainsi les plans de Mba[20]. Peu de temps après, le 21 janvier 1964, Mba dissout l’Assemblée nationale, bien qu’elle lui soit acquise à 70%[21]. Aubame annonce dès lors son refus de participer au futur scrutin qu’elle ne considère pas comme égal[21].
Le coup d’État et la chute
Dans la nuit du 17 au 18 février 1964, 150 militaires gabonais dirigés par les lieutenants Jacques Mombo et Valère Essone, orchestrent un coup d’État contre le régime dictatorial d’Mba[22]. Durant ces évènements, aucun coup n’est tiré[23]. Le peuple ne réagit pas, signe selon les militaires, de l’approbation du putsch[23].
Jean-Hilaire Aubame, sans doute ignorant des préparatifs du putsch, se voit offert la présidence du gouvernement provisoire. Il n’est composé que de personnalités politiques civiles, provenant aussi bien de l’UDSG que du BDG comme Paul Gondjout[24]. Le nouvel chef du gouvernement, Aubame, prend rapidement contact avec l’ambassadeur français Paul Cousseran afin de lui assurer que les biens des ressortissants étrangers seront protégés et éviter ainsi toute intervention militaire[25]. Mais à Paris, le général de Gaulle et Jacques Foccart en ont décidé autrement et rétablissent militairement Mba le 20 février.
Le 23 mars, Aubame est inculpé[26] et son procès débute le 25 août 1964 à Lambaréné[27]. A l’issu de ce procès, il est condamné à 10 ans de travaux forcés et 10 ans d’interdiction de séjour[28]. Incarcéré, il est battu quasi quotidiennement par ses geôliers[29].
Le président Omar Bongo le libère en 1972, Aubame s’exile à Paris. Autorisé à rentrer au Gabon, il décède à Libreville, le 16 août 1989.
Décorations, honneurs et distinctions reçus [modifier]
- Médaillé de la Résistance
- Commandeur de la Légion d'honneur
- Titulaire de l’Etoile équatoriale (Gabon)
- Titulaire de l’Etoile africaine (Libéria)
- Titulaire de l’Ordre libérien de la Rédemption africaine
- Titulaire de l'ordre National du Mérite du Niger
- Titulaire de l'ordre National du Mérite centrafricain
- Titulaire de l'ordre National du Mérite de Côte-d'Ivoire
- Titulaire de l'ordre National du Tchad
- Titulaire de l’Etoile noire du Bénin.
Références
- ↑ a b c d e f g h Biographies des députés de la IVe République : Jean-Hilaire Aubame
- ↑ Moïse N’Solé Biteghe. Echec aux militaires au Gabon en 1964. Afrique contemporaine - 1990. p.24
- ↑ a b Moïse N’Solé Biteghe, op. cit., p.25
- ↑ a b Moïse N’Solé Biteghe, op. cit., p.26
- ↑ Moïse N’Solé Biteghe, op. cit., p.27
- ↑ Florence Bernault, Démocraties ambiguës en Afrique centrale: Congo-Brazzaville, Gabon, 1940-1965. Editions Karthala – 1996, p.224
- ↑ Florence Bernault, op. cit., p.261
- ↑ a b c Florence Bernault, op. cit., p.262
- ↑ a b c Florence Bernault, op. cit., p.263
- ↑ Moïse N’Solé Biteghe, op. cit., p.29
- ↑ Florence Bernault, op. cit., p.297
- ↑ Moïse N’Solé Biteghe, op. cit., p.41
- ↑ Moïse N’Solé Biteghe, op. cit., p.42
- ↑ a b Moïse N’Solé Biteghe, op. cit., p.44
- ↑ Moïse N’Solé Biteghe, op. cit., p.42
- ↑ Moïse N’Solé Biteghe, op. cit., p.37
- ↑ Alexander Keese, Afrique & histoire, 2004, n°2. L’évolution du « leader indigène » aux yeux des administrateurs français : Léon M’Ba et le changement des modalités de participation au pouvoir local au Gabon, 1922-1967. p.162
- ↑ a b Moïse N’Solé Biteghe, op. cit., p.53
- ↑ Moïse N’Solé Biteghe, op. cit., p.54
- ↑ a b Moïse N’Solé Biteghe, op. cit., p.55
- ↑ a b Moïse N’Solé Biteghe, op. cit., p.59
- ↑ Moïse N’Solé Biteghe, op. cit., p.62
- ↑ a b Moïse N’Solé Biteghe, op. cit., p.63
- ↑ Moïse N’Solé Biteghe, op. cit., p.64
- ↑ Moïse N’Solé Biteghe, op. cit., p.19
- ↑ Moïse N’Solé Biteghe, op. cit., p.100
- ↑ Moïse N’Solé Biteghe, op. cit., p.102
- ↑ Moïse N’Solé Biteghe, op. cit., p.104
- ↑ 1964, le putsch raté contre Léon M'Ba président du Gabon (10 mars 2007), Émission de France-Inter « Rendez vous avec X »
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